Refus de permis sur recours pour la carrière de Beez

La carrière de Beez (Sagrex) avait demandé en décembre 2021 une extension de 3,5 ha  de la superficie d’exploitation via une demande de permis unique.

Le permis avait été octroyé en première instance pour une durée limitée à 2026.

Tant l’exploitant que des riverains étaient partis en recours auprès des ministres concernés.

Cette très intéressante affaire permet de mettre en lumière plusieurs principes :

1/ Imposition d’une condition illégale dans le permis délivré en première instance

On reste étonné que des permis puissent encore être délivrés en première instance avec ce type condition, alors que la jurisprudence du conseil d’état est constante sur ce point (voyez pour une analyse complète la rubrique du présent site en matière d’analyse juridique d’un permis carrier).

Le permis délivré en première instance prévoyait en page 27

« 1° les poches de dissolution remplies d’alluvions anciennes de terrasse de Meuse et sable de la Formation de l’Entre Sambre et Meuse identifiées sur la carte géologiques seront délimitées avec précisions :; et leur impact sur la stabilité des parois de la carrière sera étudié

(…) » 

Cette condition ne satisfait évidemment pas à la jurisprudence du conseil d’état dons nous citons un extrait ci-après :

« En aucun cas, ces conditions ne peuvent laisser place à une appréciation
dans son exécution, ni quant à l’opportunité de s’y conformer, ni dans la manière
dont elles doivent être exécutées. Elles ne peuvent ainsi pas imposer le dépôt de
plans modificatifs ou complémentaires postérieurement à la délivrance du permis, ou
se référer à un événement futur ou incertain ou dont la réalisation dépend d’un tiers
ou d’une autre autorité »

Très logiquement, l’auteur du permis en recours annule le permis de première instance sur base de cette condition illégale, ceci dans les termes suivants

« Absence dans le dossier d’une étude pouvant attester de la stabilité future des terrains adossés au front de taille Sud-Est et de l’intérêt environnemental et économique d’exploiter cette zone. La condition imposée dans le permis contesté relative à l’obligation de fournir une étude géologique après la délivrance du permis est illégale. »

2/ Impossibilité d’obtention d’un permis unique sans prévoir la régularisation des infractions préalables

Dans la matière présente, le fonctionnaire délégué sur recours indique dans son avis quant à des infractions urbanistiques présentes en matière de CODT au niveau de l’exploitation de la carrière :

« Considérant que la jurisprudence du Conseil d’Etat impose que les infractions soient régularisées préalablement à toute demande de permis, ou lors de l’introduction de cette demande »

Qu’on ne peut que regretter que le fonctionnaire délégué ne cite pas les références des arrêts du Conseil d’Etat sur lesquels il se base.

Que l’auteur du permis sur recours refuse logiquement le permis sur la base suivante :

« Au vu de l’exploitation dans le stade actuel, l’établissement est en situation infractionnelle en matière d’urbanisme. Aucun permis ne peut être délivré sans la régularisation de ladite infraction. »

3/ Caractère lacunaire de l’évaluation des incidences sur l’environnement, à savoir ici la notice d’évaluation des incidences sur l’environnement

Le mot est faible, car la notice ne comprenait, pour plusieurs aspects, aucune évaluation des incidences sur l’environnement du projet….

On reste toujours étonné de la légèreté avec laquelle les exploitants, la matière n’étant pas limitée au secteur carrier, traitent la question de l’évaluation des incidences sur l’environnement, tandis qu’ils consacreront des montants souvent considérables en conseils juridiques lors des recours.

Nous allons repasser les lacunes de la notice d’évaluation des incidences sur l’environnement en reprenant en premier lieu les principes :

3.1/ Rappels des principes

La présente affaire nous permet de revenir sur quelques principes en matière d’évaluation des incidences sur l’environnement

Le conseil d’Etat enseigne de manière constante que l’évaluation des incidences sur l’environnement du projet doit permettre

  • À l’autorité de statuer en connaissance de cause
  • Au public de faire valoir ses observations en connaissance de cause

3.2/ En ce qui concerne les vibrations

La notice d’évaluation des incidences sur l’environnement indique, en tout et pour tout, en matière de vibrations (point 2.2) :

« Comme décrit au point relatif aux impacts sonores, l’extension de la carrière implique l’avancée du front de taille, et donc des tirs, vers les habitations situées au sud-est de la carrière. Les nuisances vibratoires liées aux tirs de mines dont donc susceptibles d’augmenter au niveau de riverains situés au sud-est de la carrière (rue du Mont). Le suivi des tirs de mines mis en place actuellement sera poursuivi en phase projet afin de contrôler le respect de la réglementation. »

Qu’il est bien évident que cette affirmation est la négation même d’une évaluation des incidences sur l’environnement du projet, puisque l’évaluation doit avoir lieu préalablement à l’autorisation de mise en œuvre du projet, de manière à éclairer l’autorité dans sa décision et le public dans ses observations…

Et bien évidemment pas en cours de projet lorsqu’il est mis en œuvre…

Que l’autorité conclut logiquement en page 41 du permis sur recours :

« Manque de données sur l’importance des vibrations due aux tirs de mines et, partant, sur le possible respect des normes en la matière »

3.3/ En ce qui concerne le bruit

Le rédacteur du permis sur recours indique en page 37 :

« Considérant qu’en matière de bruit, le document dont question ci-dessus constitue bien une étude en ce que des calculs prospectifs sont présents et sont présentés sous forme d’une cartographie du bruit 

(…)

Considérant qu’il est toutefois interpellant de constater que la présente demande de permis pour exploiter la paroi Sud-Est de la carrière atteste clairement que les normes du permis en vigueur ne sont pas respectées pour l’activité actuelle et s’appuie de plus sur ce fait pour attester du caractère acceptable de l’extension vis-à-vis des habitations les plus proches du front de taille qui ,  elles, ne serait pas impactées par l’exploitation future. »

L’autorité conclut logiquement en page 41 du permis sur recours :

« Normes de bruit déjà dépassées actuellement, ce que prolongeait la délivrance d’un permis destiné à prolonger la durée d’exploitation (principalement au niveau des installation de traitement). »

3.4/ En ce qui concerne les poussières

Le rédacteur du permis sur recours indique en page 39 :

« Considérant qu’il n’y a pas de jauge (Owen) à proximité des riverains qui seraient les plus directement impactés (rue du Mont) par la mise en œuvre du permis sollicité ; (…) »

Que la notice d’évaluation des incidences sur l’environnement indique au point 6.5 :

« Globalement, l’extension de la carrière implique la prolongation des activités de celle-ci, et donc des émissions de poussières liées à ces dernières.

(…)

L’extension de la carrière implique au contraire l’avancée du front de taille vers les habitations au sud-est de la carrière, et donc le déplacement progressif des tirs de mines et des activités liées à l’extraction de la roche vers ces habitations. La concentration en particules fines dans l’air ainsi que les dépôts de poussières sédimentables sont dès lors susceptibles d’augmenter au niveau de ces habitations. (…) »

On observera qu’il n’y a aucune étude tant actuelle que future des retombées de poussières au niveau des habitations les plus susceptibles d’être impactées par le projet.

Qu’il s’agit à nouveau de la négation d’une évaluation des incidences sur l’environnement du projet.

L’autorité conclut logiquement en page 41 du permis sur recours :

« Manque d’informations sur les retombées de poussières chez les riverains proches au regard des spécificités du projet duquel il ressort qu’une augmentation desdites retombées est inévitable lors de lo mise en œuvre du permis »