Analyse physico-sanitaire du Grès

1/ Présentation du grès

Le grès se définit comme suit :

« Le grès est une roche sédimentaire détritique, issue de l’agrégation et la cimentation (ou diagenèse) de grains de sable. Il peut s’agir d’une roche cohérente et dure1. Ces grains de sable sont souvent composés de silice (le plus souvent du quartz, mais parfois de grains de feldspath et de micas noirs), mais ils peuvent avoir d’autres compositions. On parle alors plutôt d’arénite dans le cas où les grains sont carbonatés.[1] »

Le grès, pierre constituée de l’agrégation de grains de sable, porte le nom de sandstone en anglais, soit « pierre de sable ».

Le grès est composé principalement de quartz, comme on pourra le déduite du tableau ci-dessous[2]

Composition minéralogique de quelques grès (en volume %)

types de grès Quartz Feldspath Mica Minéraux
argileux
chlorite Carbonates Divers
grès à Spirifer 70 6 10 2 6 6
grès bigarré 65 20 11 4
grauwacke 41 35 9 1 11 11 2
arkose 35 23 3 16 4 1 8

2/ Présentation de la silice cristalline

La silice se définit comme suit[3]

« La silice est la forme naturelle du dioxyde de silicium (SiO2) qui entre dans la composition de nombreux minéraux.

La silice existe à l’état libre sous différentes formes cristallines ou amorphes et à l’état combiné dans les silicates, les groupes SiO2 étant alors liés à d’autres atomes (Al : aluminium, Fe : fer, Mg : magnésium, Ca : calcium, Na : sodium, K : potassium, etc.) »

L’encyclopédie Wikipedia précise encore :

« La silice se présente soit sous forme de cristaux non-moléculaires formés de motifs tétraédriques SiO4 liés entre eux par les atomes d’oxygène de façon régulière, comme dans le quartz, soit sous forme amorphe, comme dans le verre. »

L’encyclopédie Wikipedia énonce enfin les formes sous lesquelles la silice cristalline apparaît dans la nature :

« La silice cristallise sous plusieurs formes minérales en fonction de la température et de la pression de cristallisation. Par température de fusion, voici les polymorphes de la silice :

stishovite (pf = 1 200 °C) ;

quartz (α ou β) (pf = 1 650 °C) ;

tridymite (pf = 1 670 °C) ;

calcédoine (pf = 1 700 °C) ;

cristobalite (pf = 1 713 °C) ;

coésite. »

On peut dès lors conclure de ceci que le grès est composé principalement de silice cristalline.

3/ Impact sanitaire majeur des poussières de silice cristalline sur la santé publique

L’inhalation de silice cristalline est un problème de santé publique majeur, parfaitement documenté.

1ère branche – Silicose

L’inhalation de silice cristalline entraine dans un premier temps un problème de silicose, qui consiste en une inflammation des poumons, avec les difficultés respiratoires que cela implique.

La silicose est définie comme suit[4] :

« La silicose est une maladie pulmonaire provoquée par l’inhalation de particules de poussières de silice (silice cristalline) dans les mines1, les carrières1, les percements de tunnel ou les chantiers du BTP2,3 (sablagegrenaillage4, cassage, meulage ou sciage de bétons5, mortiers5, taille ou découpe de pierres siliceuses, brique… sur des chantiers où « les niveaux d’exposition à la silice cristalline dans le secteur de la construction dépassent encore fréquemment les valeurs limites réglementaires »6), les usines de confection des « jeans »7, voire les moulins à farine.

(…)

La silicose se traduit par une réduction progressive et irréversible de la capacité respiratoire (insuffisance respiratoire), même après l’arrêt de l’exposition aux poussières. »

2ème branche – Fibrose

La maladie évolue ensuite vers la fibrose, qui est définie comme suit[5] :

« La fibrose pulmonaire est une lésion des poumons caractérisée par une fibrose, c’est-à-dire la présence d’un excès de tissu conjonctif fibreux. »

L’encyclopédie Wikipedia précise en ce qui concerne le traitement :

Les options de traitement de la fibrose pulmonaire idiopathique sont très limitées. Des recherches sont en cours, mais il n’y a aucune indication pour le moment, que des médicaments pourraient traiter cette maladie. La transplantation du poumon est la seule option thérapeutique valable pour les cas sévères.

On ne peut que frémir à cet égard à la lecture de la dernière phrase du dernier alinéa de la première colonne de la page 2 du rapport de l’INRS,  qui indique :

« Les particules se déposent dans la trachée, les bronches et les poumons et y persistent, si bien qu’une exposition unique à forte dose peut provoquer des effets durables »

3ème branche – Cancer

La maladie se termine en son stade ultime par des lésions cancéreuses (voir dossier ci-dessous, effets cancérogènes du lien ci-dessous:

FicheTox_232

4ème branche – Décès

La maladie se termine enfin par la mort, soit par insuffisance respiratoire ensuite de fibrose, soit par cancer ensuite des lésions cancéreuses.

4/ Implication des autorités internationales et nationales dans la problématique de santé publique majeure de la silice cristalline

1ère branche – Classement de la silice cristalline en tant que cancérigène certain par le CIRC

Le centre international de recherche sur le cancer, organisme dépendant de l’organisation mondiale de la santé des nations unies, a classé en 1997 la silice cristalline en tant que groupe 1, c’est-à-dire comme substance cancérogène certaine pour l’homme[6].

Ce groupe comprend les substances telles que l’amiante, le benzène, etc…

On trouvera ci-après la monographie du CIRC sur la silice cristalline

mono68

2ème branche – Reprise de la silice cristalline parmi les 18 substances cancérigènes en matière de santé des travailleurs, par le conseil de l’Union Européenne

Le conseil de l’Union Européenne vient de reprendre la silice cristalline dans les 18 substances cancérigènes en matière de santé des travailleurs, en complétant l’annexe 1 de la directive 2004/37 du 29 avril 2004

Accord européen pour limiter l’exposition à onze substances cancérigènes _ Metro

Le Coreper (Comité des représentants permanents de l’Union Européenne) vient de conclure au mois de juillet 2017 sur cette problématique

3ème branche – Reprise de la silice cristalline dans le code du bien-être au travail de Belgique

Le titre 2 du livre VI du code du bien-être au travail a pour titre : « Agents cancérigènes et mutagènes »

Le tableau faisant office d’annexe VI.2.3 à l’article VI.2.1 alinéa 3  reprend la silice cristalline.

5/ Importance de l’impact de la silice cristalline en matière de maladies professionnelles

On trouvera ci-après un extrait du rapport statistique 2020 de l’agence fédérale des risques professionnels, qui montre l’impact considérable de la silice cristalline par rapport à l’amiante (asbeste) pourtant bien plus connue.

On ne peut que regretter que le rapport n’indique pas de manière séparée comme pour l’asbestose les suites de cancer de la silicose.

Fedris – Extrait rapport statistique 2020

6/ Parfaite connaissance de la problématique sanitaire de la silice cristalline par le secteur carrier.

1ère branche – Doctrine

La problématique de la silice cristalline est bien connue dans le secteur carrier et qu’elle est parfaitement documentée, comme on peut le voir ci-dessous.

TS732page18

2ème branche – Législation

Les mesures de sécurité au travail pour les salariés de ce secteur accordent une très grande importance à la qualité de l’air au sein de la carrière, en évitant le plus possible la diffusion de poussière sur les lieux de travail.

La matière est détaillée dans l’arrêté royal du 06 janvier 1997 concernant les prescriptions minimales visant à améliorer la protection en matière de sécurité et de santé des travailleurs des industries extractives à ciel ouvert ou souterraines[7], qui précise en son article 4N3 les mesures de protection contre les atmosphères nocives.

7/ Impact, en matière de diffusion de poussières, de la manipulation du grès ou du maintien de parois ouvertes

L’agence de protection de l’environnement des Etats-Unis (EPA) a élaboré un modèle de diffusion de poussières de carrière, qui sert de référence internationale en la matière.

Le gouvernement du Canada a rédigé, sur base de modèle EPA, un guide pour les carrières et les sablières.

www.ec.gc.ca_inrp-npri_default.asp_lang=Fr&n=A9C1EE34-1

1ère branche – Minage de parois de parois de carrières

Ce guide permet de calculer la diffusion de poussières, en fonction de leur taille, y compris les particules fines PM 2,5 et PM 10, lors de du minage et de l’effondremnet des parois d’une carrière (point 8.3.).

Cette formule est employée par la pratique, même en l’absence d’utilisation d’explosifs,  pour approcher le phénomène de diffusion de poussières provoqué par la fracturation, le détachement et le glissement des roches

2ème branche – Erosion par le vent des parois du massif

Ce guide permet également de calculer la diffusion de poussières, en fonction de leur taille, y compris les particules fines PM 2,5 et PM 10, en provenance de massifs ouverts, suite à l’érosion par le vent (point 8.9)

La formule, basée sur les piles de stockage, est utilisée par la pratique pour approcher l’érosion du vent sur des massifs ouverts.

Ces deux formules montrent qu’il a toujours émission particules fines lors de l’exploitation d’une carrière

8/ Absence d’effet de seuil en matière de diffusion de poussières de carrières

La problématique qui est traitée dans le cadre de la présente demande vient de faire l’objet d’un très important arrêt du 28 juillet 2016 de la Cour de Justice de l’Union Européenne dans l’affaire C 104/15 Commission contre Roumanie, que l’on peut retrouver ci-après

C-104-15

La Commission Européenne soutenait dans cette affaire que la toxicité à l’exposition de particules fines ne connaissait pas d’effet de seuil en dessous de laquelle il n’y aurait pas d’effet nuisibles sur la santé humaine.

Le point 92 de l’arrêt précise :

«(…)

D’autre part, l’article 4 de la directive 2006/21[8] ne fixe pas de seuil de pollution au-dessous duquel elle ne s’appliquerait pas et le rapport de l’OMS, invoqué à l’appui de la requête de la Commission, ne fixe pas davantage de seuil au-dessous duquel une exposition aux particules fines inhalables peut être réputée sans danger pour la santé humaine. »

L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) précise dans son aide-mémoire n° 313 de septembre 2016 en page 4 :

« Même à faible concentration, la pollution aux petites particules a une incidence sanitaire ; en effet, on a identifié aucun seuil au-dessous duquel elle n’affecte en rien la santé. C’est pourquoi il était préconisé dans les lignes directrices de 2005 d’œuvrer au maximum les niveaux de concentration des particules en suspension. »

www.who.int_mediacentre_factsheets_fs313_fr

La Cour de Justice de l’Union Européenne à très justement suivi la position de la Commission.

Elle a sèchement condamné la Roumanie dans les termes suivants (point 117) :

«  En n’adoptant pas les mesures appropriées pour prévenir le soulèvement de poussières à partir de la surface du bassin do Bosneag – extension, la Roumanie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu e l’article 4 et de l’article 13, paragraphe 2, de la directive 2006/21/CE du Parlement Européen et du Conseil, du 15 mars 2006, concernant la gestion des déchets de l’industrie extractive et modifiant la directive 2004/35/CE. »

9/ Conclusions

On peut déduire des considérations précédentes que le strict respect des mesures environnementales prévues par les permis d’extraction de carrières de grès en vue  de la protection  des riverains en matière d’émission de poussières,  est indispensable au maintien de la santé des riverains.

[1] Source Wikipedia

[2] Source Wikipedia

[3] Source Wikipedia

[4] Source Wikipedia

[5] Source Wikipedia

[6] International Agency for Research on Cancer : IARC monographs on the evaluation of carcinogenic risks to humans, Vol. 68, Silica, some silicates, coal dust and paraamid fibrils. Lyon: International Agency for Research on Cancer, 1997.

[7] MB 12 mars 1997, p. 5268

[8] Directive 2006/21/CE du Parlement Européen et du Conseil, du 15 mars 2006, concernant la gestion des déchets de l’industrie extractive et modifiant la directive 2004/35/CE, dont, pour rappel, le demandeur demande le respect au point 1.6/ de ses conclusions avant réouverture des débats.