2/ En ce qui concerne l’évaluation des incidences du projet sur l’environnement
2.1/ Introduction à la matière
2.1.1/ Base légale
On rappellera que le siège de la matière est situé aux articles D.62 et svts du livre 1er du code de l’environnement, qui indiquent:
D.62. [§ 1er. Toute demande de permis comporte soit une notice d’évaluation des incidences sur l’environnement, soit une étude d’incidences sur l’environnement.
- 2. Qu’il s’agisse de la notice d’évaluation des incidences sur l’environnement ou de l’étude d’incidences sur l’environnement, celle-ci identifie, décrit et évalue de manière appropriée, en fonction de chaque cas particulier, les incidences directes et indirectes d’un projet sur les facteurs suivants :
- a) la population et la santé humaine;
- b) la biodiversité, en accordant une attention particulière aux espèces et aux habitats protégés au titre de la directive 92/43/CEE et de la directive 2009/147/CE;
- c) les terres, le sol, le sous-sol, l’eau, l’air, le bruit, les vibrations, la mobilité, l’énergie et le climat;
- d) les biens matériels, le patrimoine culturel et le paysage;
- e) l’interaction entre les facteurs visés aux points a) à d).
- 3 Les incidences, visées au paragraphe 2, sur les facteurs y énoncés englobent les incidences susceptibles de résulter de la vulnérabilité du projet aux risques d’accidents majeurs et/ou de catastrophes pertinents pour le projet concerné.]
[Décret 24.05.2018]
Art. D.63. [La délivrance de tout permis pour des projets susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement, notamment en raison de leur nature, de leurs dimensions ou de leur localisation est subordonnée à la mise en oeuvre d’une évaluation de leurs incidences sur l’environnement prévue par le présent chapitre.]
(1) [Décret 10.11.2006] – (2)[Décret 23.06.2016] – (3)[Décret 24.05.2018]
Art. D.64. § 1er. Les projets visés à l’annexe II sont soumis d’office à l’évaluation des incidences sur l’environnement.
- 2. Le Gouvernement arrête, la liste des projets qui, en raison de leur nature, de leurs dimensions ou de leur localisation, sont soumis à l’évaluation des incidences sur l’environnement, compte tenu des critères de sélection pertinents visés à l’annexe III.
A cet égard, les demandes de permis pour les projets sont soumis à la rédaction d’une notice d’évaluation des incidences sur l’environnement, à moins que l’ampleur du projet impose la réalisation d’une étude d’incidences sur l’environnement.
On rappelle que le contenu de l’évaluation des incidences sur l’environnement doit contenir en application de l’article D.62du livre 1er du code de l’environnement:
2.1.2/ Objectifs de l’évaluation des incidences sur l’environnement
Le conseil d’Etat enseigne de manière constante que l’évaluation des incidences sur l’environnement du projet doit permettre:
- À l’autorité de statuer en connaissance de cause
« De ce qui précède, il semble que la connaissance du gisement ne soit pas
spécialement précise et que, dès lors, le seul plan d’exploitation basé sur une
activité d’extraction de 30 ans, tant au niveau du phasage de l’extraction qu’en
matière de quantité de stériles qui pourraient se présenter au cours de
l’exploitation, ne permet pas à l’autorité compétente de prendre une décision en
toute connaissance de cause » (CE, 247.547, 14 mai 2020, Cimenteries CBR, p. 34)
- Au public de faire valoir ses observations en connaissance de cause
« En considérant que l’étude d’incidences n’a pas rencontré cet objectif, le fonctionnaire technique et l’auteur de l’acte attaqué ne commettent pas d’erreur puisque l’AWAC relève elle-même dans son avis que ni l’évaluation de la situation initiale, ni l’évaluation de la situation projetée ne contiennent la moindre quantification des émissions de poussières et de particules fines, ni d’estimation de l’impact du projet sur le voisinage. Partant, le public n’a pas été en mesure de formuler en toute connaissance de cause des observations à cet égard, et notamment au sujet de l’adéquation des mesures et recommandations suggérées dans la demande, dans l’étude d’incidences et dans les avis de l’AWAC pour limiter ces nuisances. » (CE, 247.547, 14 mai 2020, Cimenteries CBR, p. 26)
2.1.3/ En ce qui concerne les conditions générales, sectorielles, intégrales et particulières
Le conseil d’état en enseigne:
« En vertu du décret du 11 mars 1999 relatif au permis d’environnement, les conditions d’exploitation des établissements classés sont fixées par des conditions générales, sectorielles ou intégrales, qui ont valeur réglementaire, ou par des conditions particulières complémentaires. Les conditions générales s’appliquent à l’ensemble des installations et activités. Les conditions sectorielles s’appliquent aux installations et activités d’un secteur économique, territorial ou dans lequel un risque particulier apparaît ou peut apparaître. Les conditions particulières complémentaires ne peuvent être moins sévères que les conditions générales et sectorielles, sauf dans les cas et limites arrêtés par lesdites conditions générales. » (CE, 253.617, Couplet, 2 mai 2002, p. 52)
Le conseil d’Etat a pu récemment indiqué que des conditions particulières moins sévères que les conditions générales et sectorielles, ne pouvaient être indéfinies, sous peine d’être considérées comme des exonérations (CE, 252.998/9, Les versants de la Dyle, 16 février 2022).
2.1.4/ En ce qui concerne les contraintes quant au résultat à atteindre
Le conseil d’Etat enseigne:
« Considérant que les normes d’immission précitées s’imposent à l’exploitant pour qui elles sont une obligation de résultat; que la requérante se borne à affirmer que les éléments du projet ainsi décrits ne permettent pas le respect de ces normes; qu’elle ne produit toutefois aucune analyse technique de nature à remettre en cause l’avis du service spécialisé qui n’a pas suggéré de mesures particulières; » (CE, 236.447, Ville de Liège, 17 novembre 2016, p. 18)
2.1.5/ En ce qui concerne la capacité de l’auteur de projet de faire face aux obligations imposées par le permis
Le conseil d’état enseigne :
« A l’occasion de la délivrance du permis, l’autorité doit s’assurer que l’obligation ainsi faite à l’exploitant est possible, cad que l’installation est capable d’atteindre ledit résultat » (CE, 232.220, Commune de Momignies, 16 septembre 2016, p. 18)
2.2/ En ce qui concerne la motivation du permis en matière d’incidences sur l’environnement
L’article D.75 du livre 1er du code de l’environnement précise spécifiquement en cette matière:
Art. D.75. [§ 1er. Le permis et le refus de permis sont motivés en regard notamment des incidences sur l’environnement et des objectifs de l’article D.50.
Ils contiennent également les motivations relatives à la décision d’imposer ou non une étude d’incidences visée à l’article D65.
(…)
On trouvera ci-après l’article D.50 du livre 1er code de l’environnement:
Art. D.50. La mise en œuvre des procédures prévues par la présente partie doit avoir principalement pour but :
– de protéger et d’améliorer la qualité du cadre de vie et des conditions de vie de la population, pour lui assurer un environnement sain, sûr et agréable;
– de gérer le milieu de vie et les ressources naturelles, de façon à préserver leurs qualités et à utiliser rationnellement et judicieusement leurs potentialités;
– d’instaurer entre les besoins humains et le milieu de vie un équilibre qui permette à l’ensemble de la population de jouir durablement d’un cadre et de conditions de vie convenables;
– d’assurer un niveau élevé de protection de l’environnement et de contribuer à l’intégration de considérations environnementales dans l’élaboration et l’adoption des plans et des programmes susceptibles d’avoir des incidences non négligeables sur l’environnement en vue de promouvoir un développement durable.
Le conseil d’état enseigne à ce niveau:
« La motivation imposée par l’article D.64 (actuellement le D.75) précité, du Livre Ier du Code de l’environnement relativement à toutes les incidences d’un projet, notables ou non, et aux objectifs précisés à l’article D.50 du même Code, doit être proportionnée à la
nature du projet en question. Il faut notamment que la motivation de l’acte et les
conditions qui l’assortissent permettent de s’assurer que l’autorité compétente a
régulièrement vérifié que, compte tenu des aménagements prévus, les nuisances
resteraient dans des limites acceptables pour le voisinage. En revanche, les articles
D.50 et D.64 de ce Code n’imposent pas que la délivrance d’un permis d’urbanisme
ait pour effet d’apporter une amélioration au cadre de vie des riverains. » (CE, Commune de Court-Saint-Etienne, 249.340 du 28 décembre 2020, p. 43).
2.3/ En ce qui concerne la notice d’évaluation des incidences sur l’environnement,
L’article D.66 du livre 1er du code de l’environnement précise:
« Art. D.66. [§ 1er. La notice d’évaluation des incidences comporte au minimum les informations suivantes :
1° une description du projet, y compris en particulier :
- a) une description des caractéristiques physiques de l’ensemble du projet et, le cas échéant, des travaux de démolition;
- b) une description de la localisation du projet, en accordant une attention particulière à la sensibilité environnementale des zones géographiques susceptibles d’être affectées;
2° une description des éléments de l’environnement susceptibles d’être affectés de manière notable par le projet;
3° une description de tous les effets notables, dans la mesure des informations disponibles sur ces effets, que le projet est susceptible d’avoir sur l’environnement résultant :
- a) des résidus et des émissions attendus ainsi que de la production de déchets, le cas échéant;
- b) de l’utilisation des ressources naturelles, en particulier le sol, les terres, l’eau et la biodiversité;
4° il est tenu compte des critères de l’annexe III, le cas échéant, lors de la compilation des informations conformément aux points 1° à 3°.
- 2. Le Gouvernement peut arrêter les formes et compléter le contenu minimal de la notice d’évaluation des incidences sur l’environnement. Il peut prévoir que le dossier de demande de permis constitue la notice d’évaluation des incidences sur l’environnement.
(…)«
Le conseil d’état à récemment rappelé sa jurisprudence dans l’arrêt n°249.340 en cause Commune de Court-Saint-Etienne (p. 33):
« La notice d’évaluation des incidences sur l’environnement est un
document qui doit permettre à l’autorité de refuser ou délivrer un permis en toute
connaissance de cause quant aux incidences sur l’environnement du projet soumis à
autorisation. Dès lors, la notice doit contenir des renseignements complets, précis et
exacts. Les défauts dont elle serait affectée ne peuvent toutefois entraîner
l’annulation de l’autorisation que si cette dernière a été accordée en méconnaissance
de cause par l’autorité, celle-ci n’ayant été complètement et exactement informée ni
par la notice d’évaluation des incidences ni d’une autre manière. »
Face à des éléments lacunaires dans une notice d’évaluation des incidences sur l’environnement, le conseil d’état précise quant à l’autorité:
« Il résulte de ce qui précède que l’autorité ne disposait pas de renseignements complets, précis et exacts concernant le bassin d’orage et qu’elle n’était par conséquent pas en mesure de statuer en toute connaissance de cause sur la problématique du ruissellement des eaux. » (CE, Commune de Court-Saint-Etienne, 249.340 du 28 décembre 2020, p. 43).
L »ancien article D67 du livre Ier du code de l’environnement ajoutait encore::
« Art. 67. § 1er. Le Gouvernement arrête les formes et le contenu minimal de la notice d’évaluation des incidences sur l’environnement. Il peut prévoir que le dossier de demande de permis constitue la notice d’évaluation des incidences sur l’environnement.
§ 2. Le Gouvernement peut arrêter les formes et le contenu minimal de l’étude d’incidences sur l’environnement.
§ 3. La notice d’évaluation des incidences ou l’étude d’incidences comportent au minimum les informations suivantes :
1° une description du projet comportant des informations relatives à son site, à sa conception et à ses dimensions;
2° les données nécessaires pour identifier et évaluer les effets principaux que le projet est susceptible d’avoir sur l’environnement;
3° une description des mesures envisagées pour éviter et réduire les effets négatifs importants et, si possible, pour y remédier;
4° une esquisse des principales solutions de substitution qui ont été examinées [par l’auteur d’études d’incidences ou] par le demandeur et une indication des principales raisons [du choix de ce dernier], eu égard aux effets sur l’environnement;
5° un résumé non technique des points mentionnés ci-dessus.
Le Gouvernement détermine les modalités suivant lesquelles, lorsqu’elle est sollicitée par le demandeur, l’autorité compétente rend un avis sur les informations à fournir dans la notice d’évaluation ou dans l’étude d’incidences.
[Décret 10.11.2006] »
Le conseil d’état a récemment jugé:
– arrêt 252.449, 16 décembre 2021, Stas de Richelle: précision du conseil d’Etat dans les termes suivants:
« si l’auteur de la notice n’est pas tenu d’exposer toutes les alternatives possibles, il se doit, en revanche, d’esquisser les principales solutions de substitution et d’indiquer les principales raisons de son choix eu égard aux effets sur l’environnement
(…)
L’examen des alternatives concerne l’impact paysager, spécialement lorsque, comme en l’espèce, le projet se trouve dans un périmètre d’intérêt paysager, mais également les autres éléments de l’environnement. Ainsi, le demandeur de permis dans une zone agricole d’intérêt paysager doit au préalable chercher la localisation la moins préjudiciable à l’environnement, dans toutes ses dimensions, et rendre compte de l’examen des principales solutions de substitution au projet qu’il a envisagées, en tout cas sur les biens dont il a une maîtrise suffisante. »
– arrêt 252.523, 22 décembre 2021, Bauvir: précision quant la notion d’esquisse et précision quant à une parcelle déjà construite
– arrêt 252.826, 28 janvier 2022, Dirvry: précision quant à la motivation du permis quant aux observations émises lors de l’enquête publique quant aux solutions de substitution
2.4/ En ce qui concerne l’étude d’incidences sur l’environnement
2.4.1/ Base légale
’article D.67 du livre 1er du code de l’environnement précise:
« Art. D.67. [§ 1er. Le demandeur prépare et présente une étude d’incidences qui comporte au minimum les informations suivantes :
1° une description du projet, et, le cas échéant, des travaux de démolition comportant des informations relatives à son site d’implantation, à sa conception, à ses dimensions et à ses caractéristiques pertinentes;
2° une description des incidences notables probables du projet sur l’environnement;
3° une description des caractéristiques du projet et/ou des mesures envisagées pour éviter, prévenir ou réduire les incidences négatives notables probables sur l’environnement, et si possible, compenser les effets négatifs notables probables sur l’environnement;
4° une description des solutions de substitution raisonnables qui ont été examinées par le demandeur, en fonction du projet et de ses caractéristiques spécifiques, et une indication des principales raisons du choix de ce dernier, eu égard aux effets du projet sur l’environnement;
5° un résumé non technique des points 1° à 4° mentionnés ci-dessus;
6° toute information supplémentaire précisée par le Gouvernement, en fonction des caractéristiques spécifiques d’un projet ou d’un type de projets particulier et des éléments de l’environnement sur lesquels une incidence pourrait se produire.
Lorsque le projet concerne une installation ou une activité reprise sur la liste visée à l’annexe 3 du décret du 5 décembre 2008 relatif à la gestion des sols, la description du projet visée au paragraphe 2, 1°, comporte en tout cas :
1° des renseignements généraux et notamment les données éventuelles relatives au terrain concerné reprises dans la banque de données de l’état des sols visée à l’article 10 du décret du 5 décembre 2008 relatif à la gestion des sols et les valeurs applicables, en ce compris les concentrations de fond au sens du même décret;
2° un historique du site et, le cas échéant, de l’exploitation en cours;
3° des renseignements géologiques, hydrologiques et hydrogéologiques.
- 2. Le Gouvernement peut arrêter les formes et compléter le contenu minimal de l’étude d’incidences sur l’environnement.
- 3. Pour éviter tout double emploi lors des évaluations, l’auteur de l’étude d’incidences tient compte, le cas échéant, dans l’élaboration de l’étude d’incidences sur l’environnement, pour autant qu’ils soient pertinents ou actuels, des résultats disponibles d’autres évaluations pertinentes. Ceux-ci sont identifiés comme tels dans l’étude d’incidences.
- 4. Si un avis est rendu en vertu de l’article D.69, l’étude d’incidences est fondée sur cet avis et inclut les informations qui peuvent raisonnablement être requises pour arriver à une conclusion motivée sur les incidences notables du projet sur l’environnement, compte tenu des connaissances et des méthodes d’évaluation existantes.]
(1)[Décret 10.11.2006] – (2)[Décret 05.12.2008]– (3)[Décret 24.05.2018] »
Le conseil d’état enseigne:
« L’étude d’incidences a pour objectif d’identifier, décrire et évaluer de
manière appropriée, en fonction de chaque cas particulier, les effets directs et
indirects, synergiques ou cumulatifs, à court, moyen et long termes, permanents et
temporaires, d’un projet sur l’environnement, et de présenter et évaluer les mesures
envisagées pour éviter, réduire les effets négatifs du projet sur l’environnement et, si
possible, y remédier. Elle vise à informer non seulement le public de toutes les
incidences environnementales d’un projet afin de lui permettre de faire valoir
utilement ses observations, mais également l’autorité compétente afin de lui
permettre de statuer en toute connaissance de ces incidences. À cette fin, l’étude doit
être complète, en ce sens qu’elle doit constituer une évaluation globale et complète
de l’ensemble des incidences environnementales du projet considéré. » (CE, 247.547, Cimenteries CBR du 14 mai 2020, p. 23)
Face à une étude d’incidences sur l’environnement lacunaire, le conseil d’état enseigne quant à l’autorité:
« L’autorité exprime ainsi l’existence d’un doute à cet égard, que l’étude
d’incidences ne permet pas de lever étant donné qu’elle n’a pas intégré ce paramètre
dans ses simulations. La circonstance que certains tronçons de la bande
transporteuse soient en partie couverts ne permet pas d’écarter le doute exprimé par
l’autorité, et n’est pas de nature à entacher d’erreur l’appréciation portée par elle sur
cette question, l’étude d’incidences ne fournissant en effet aucun renseignement
quant à la nature du matériau de couverture des bandes et sa capacité à couvrir, le
cas échéant, le bruit généré par ce type d’installations.
11. L’auteur de l’acte attaqué ajoute qu’il ressort d’un autre dossier que la
prise en compte des émissions sonores des bandes transporteuses n’est pas un
élément complexe à gérer. Ce faisant, il expose la raison supplémentaire pour
laquelle il estime ne pas être en mesure de se prononcer en toute connaissance de
cause et ne pas pouvoir écarter les risques de nuisances sonores dénoncés dans un
des recours administratifs dont il était saisi. »(CE, 247.547, Cimenteries CBR du 14 mai 2020, p. 22)
Face à une étude d’incidence sur l’environnement lacunaire, le conseil d’état enseigne encore quant aux réclamants:
« Par ces motifs, l’auteur de l’acte attaqué considère que si l’opinion
d’une instance d’avis peut éclairer l’autorité en charge d’une demande de permis, il
n’est pas acceptable que cette instance pallie les manquements d’une étude
d’incidences en ce sens qu’elle ne peut fournir à l’autorité des informations et
imposer des conditions qui auraient dû se trouver dans l’étude d’incidences et, donc
être portées à la connaissance du public, l’objectif de l’étude étant notamment
d’informer le public de tous les aspects du dossier en matière d’émissions de
poussières, afin de lui permettre de formuler des observations en toute connaissance
de cause.
En considérant que l’étude d’incidences n’a pas rencontré cet objectif, le
fonctionnaire technique et l’auteur de l’acte attaqué ne commettent pas d’erreur
puisque l’AWAC relève elle-même dans son avis que ni l’évaluation de la situation
initiale, ni l’évaluation de la situation projetée ne contiennent la moindre
quantification des émissions de poussières et de particules fines, ni d’estimation de
l’impact du projet sur le voisinage. Partant, le public n’a pas été en mesure de
formuler en toute connaissance de cause des observations à cet égard, et notamment
au sujet de l’adéquation des mesures et recommandations suggérées dans la
demande, dans l’étude d’incidences et dans les avis de l’AWAC pour limiter ces
nuisances. » (CE, 247.547, Cimenteries CBR du 14 mai 2020, p. 26)
2.4.2/ En ce qui concerne les conditions imposées par les instances d’avis en vue de pallier les insuffisances de l’EIE
Le rapport du fonctionnaire technique sur recours dans l’affaire de la carrière de Bosismé indique:
Considérant que cette liste de manquements confirme que le public, au sens large (pas uniquement les requérants mais toute personne qui a consulté l‘EIE lors de l‘enquête publique) n‘a pas pu être informé de tous les aspects du dossier en matière d‘émissions de poussières, du contrôle de leurs retombées et des moyens éventuellement mis alors qu‘il s‘agit d‘un sujet pourtant éminemment préoccupant pour leur bien–être ;
Considérant que, la consultation du dossier de demande se faisant lors de l‘enquête publique, et donc, a fortiori, avant la décision de l‘autorité compétente en première instance, il leur était impossible de savoir que les nombreuses conditions qui pouvaient être imposées dans le permis finalement délivré pouvaient palier toutes ces inconnues ;
Considérant, dès lors, que sur ce point, l‘étude d‘incidence n‘a pas rencontré son objectif nonobstant le fait que l‘AWAC remet finalement un avis favorable en confirmant la panoplie de conditions imposées dans le permis ;
Considérant qu‘il n‘est pas acceptable qu‘une instance d‘avis pallie les manquements d’une EIE, ce que I‘AWAC confirme pourtant en son avis en mentionnant : « Malgré les lacunes de l’EIE, l’AwAC connaît et a pris en compte la problématique des particules fines dans son avis en première instance. Si rien n’est entrepris, il faut effectivement s’attendre à des nuisances (retombées) et à une pollution de l’air accrue comme à proximité de nombreuses carrières wallonnes. L’imposition d’un PRED et les autres impositions du permis visent à limiter fortement les émissions de poussières et de particules fines. »; que, d‘une manière générale, des conditions d‘exploitation sont imposées pour limiter à un niveau acceptable les nuisances identifiées par l‘EIE ; qu‘elles n‘ont pas pour vocation de compenser une analyse déficiente au niveau de l‘EIE;
Considérant que les points abordés ci–dessus dans l‘avis du Fonctionnaire technique constituent l‘essentiel des problématiques rencontrées dans ce dossier; que bon nombre d‘autres points plus secondaires, voire parfois anecdotiques, sont soulevés par les requérants; qu‘il est toutefois difficile, eu égard au temps que peuvent consacrer les services de recours à ce dossier par rapport à la charge totale de travail, d‘y répondre de manière exhaustive ;
Considérant, quoiqu’il en soit, que ce qui précède démontre à suffisance que le présent dossier comporte d’importantes lacunes, voire irrégularités, ne permettant pas à l’autorité compétente sur recours de statuer favorablement en confirmant le permis délivré en première instance »
Le point de vue de l’autorité a été validé par le conseil d’Etat dans son arrêt 247.547 du 14 mai 2020 dans les termes suivants
« En considérant que l’étude d’incidences n’a pas rencontré cet objectif, le fonctionnaire technique et l’auteur de l’acte attaqué ne commettent pas d’erreur puisque l’AWAC relève elle-même dans son avis que ni l’évaluation de la situation initiale, ni l’évaluation de la situation projetée ne contiennent la moindre quantification des émissions de poussières et de particules fines, ni d’estimation de l’impact du projet sur le voisinage. Partant, le public n’a pas été en mesure de formuler en toute connaissance de cause des observations à cet égard, et notamment au sujet de l’adéquation des mesures et recommandations suggérées dans la demande, dans l’étude d’incidences et dans les avis de l’AWAC pour limiter ces nuisances. »
2.4.3/ En ce qui concerne la validation par l’auteur de l’étude des incidences sur l’environnement des études tierces qu’il intégre dans son évaluation
D‘un point de vue légal, la jurisprudence du Conseil d‘État requiert de la part de l’auteur d’EIE cette validation, à l’égard d‘ailleurs de tout document qu‘il intègre dans son étude et venant d‘une source extérieure ;
Considérant en effet que plusieurs arrêts du Conseil d‘État (n° 226. 798 du 18 mars 2014, n° 233.639 du 26 janvier 2016) ont aboutit à l‘annulation de l‘acte attaqué suite à l‘absence de cette validation; que l’on peut y lire:
- « Afin de réaliser l’étude d’incidences, son auteur peut utiliser toutes les études réalisées concernant le site. Néanmoins, s’il s’approprie les résultats d’une telle étude, il doit procéder à leur contrôle. » ;
- « l’étude d’incidences sur l’environnement doit démontrer que, lorsque l’évaluation d’un des critères techniques a été déléguée à un autre bureau technique, l’auteur de l’étude d’incidences a bien lui-même réalisé un contrôle des résultats, … » ;
- « l’effectivité du contrôle opéré par l’auteur de l’étude d’incidences sur les informations lui étant transmises par des bureaux d’expertise tiers est un élément déterminant de la légalité de l’étude d’incidences sur l’environnement et du permis finalement délivré » ;
- « …il y a lieu de rappeler que l’article R.59, § 1er, 3°, du Livre Ier du Code de l’environnement impose au demandeur d’agrément comme auteur d’études d’incidences d’avoir les compétences nécessaires pour « exploiter tous les résultats y compris ceux de la sous-traitance » ; qu’il en résulte que l’auteur de l’étude d’incidences doit être en mesure de contrôler ces résultats et que la réalité de ce contrôle doit ressortir de l’étude d’incidences elle-même »;
Au niveau des modalités pratiques, le conseil d’Etat enseigne:
- La réalité de ce contrôle se manifeste par exemple par un document élaboré par l’auteur de l’étude d’incidences et intitulé « Validation du calcul de productible d’un projet éolien avec bridage acoustique », dont la lecture par le conseil d’étant permet de s’assurer que le contrôle par l’auteur de l’étude d’incidences n’a pas été de pure forme (CE, 11 avril 2016, Jooris et crts, n°234.327, p. 10)
- L’unique affirmation selon laquelle « Le travail par le bureau d’étude Gestamp Eolica a été contrôle par l’auteur de l’étude d’incidences ne suffit pas » (CE, 26 octobre 2015, Commune de Braives, n°232.690, p. 14)
- L’étude spécialisée doit être jointe à l’étude d’incidences et un contrôle doit être exercé par l’auteur de l’étude d’incidence (CE, 8 février 2019, Commune de Tinlot, n°237.313, p. 9)